27 février 2006

La vague qui se cogne

Vis ma vieSi depuis quelques temps, je ne publie plus d'article le lundi matin pour "raconter" les week-end de folie que je passe en compagnie de Tatie Rose, Yvette et autres connasses rennaises, c'est parce que mon esprit est ailleurs. Certains ont vu dans Le Monde de Katia un substitut de gazette locale qui donnerait, en direct et en exclusivité, toutes les infos sur nos pédérennais préférés. Non, c'est un blog, rien de plus, et rien de moins. Et nonobstant les délires des pédéblogueurs les plus prétentieux et les moins modestes, les blogs ne sont que des espaces d'expression personnelle. L'erreur est de vouloir plaire à son public, de n'écrire que pour son public, en quelque sorte, de rendre le public propriétaire du blog. Alors qu'en fait, ce public est volatile, parfois éphémère, pas toujours fidèle, et souvent ingrat. Donc, et ceci s'adresse à tous les lecteurs du Monde de Katia : venez ici comme si vous entriez dans mon salon, et non pas dans un cinéma, un théâtre, ou un cabaret...

Mon esprit est ailleurs, donc, en tout cas assez éloigné des concours saisonniers, où l'on recherche une nouvelle star (en a-t-on vraiment besoin ?) et où l'on élit Miss Drag Queen Reine du carnaval... Cela fait maintenant dix ans que je suis rennais, ce que m'a rappelé un coup de téléphone de ma maman ce week-end. C'est la première fois (oui, encore une !) que je raconte cette histoire, mis à part quelques bribes étalées sporadiquement à mes ex, ou mes amis...

Le samedi 16 mars 1996, j'entrais pour la première fois dans cet endroit où j'allais faire des études longues et difficiles, profitant d'une journée portes ouvertes. C'était aussi l'occasion pour la famille de découvrir Rennes, en l'occurence ma mère, ma soeur et... Grégory. En fait, Grégory connaissait déjà Rennes, pour y avoir été lycéen encore quelques mois auparavant. Il était un tout petit peu plus âgé que moi. Artiste, photographe, il venait d'être embauché dans une agence de com' où il créait des affiches pour des expos et des festivals. En quelques heures, Grégory m'a fait découvrir la place Sainte-Anne remplie d'arbres et de voitures, la rue Le Bastard avec sa Brioche Dorée (déjà !), la FNAC où j'ai acheté mon premier dictionnaire français-danois, et des tas d'endroits que je fréquente maintenant de façon anodine mais qui me fascinaient alors.

Le soir, en rentrant à la maison, on a déposé Grégory chez ses parents. Il ne les avait pas vus depuis des mois, s'entendait très mal avec eux, mais avait voulu faire un effort pour les cinquante ans de sa mère. Sur le trottoir, dans ce lotissement moche, je lui ai fait la bise en lui disant : "On se voit lundi, hein ?".

Le lundi matin, 18 mars. Il est 7 heures et des poussières, je me sens patraque, au moment de prendre le bus pour aller au lycée, je commence à saigner du nez. Je me dis que bon, je peux me permettre de sécher une demi-journée de cours, surtout si ça me permet d'éviter cette salope de prof d'anglais. A 8 heures 30, le téléphone sonne. Le lycée pour prévenir mes parents que je sèche ? Non, c'est la gendarmerie. Grégory est mort. Il a été renversé par une voiture à la sortie d'une boite, à 5 heures du matin. On a besoin de nous pour reconnaître le corps. Il faut organiser les obsèques. Passer à la banque pour fermer son compte. Prévenir son propriétaire, vider son appartement, récupérer ses vêtements et ses affaires. Et appeler ses parents.

Là, on se dit que c'est dégueulasse, que c'est injuste, que la vie est pourrie. Le jeudi suivant, la cathédrale était trop grande pour la cérémonie. Une dizaine de personnes, grand maximum. Ses parents, les miens, ma soeur, la sienne, et ma meilleure copine.

Depuis, j'ai l'impression que Grégory est mon ange gardien. Si je suis attaché à Rennes, c'est surtout grace ou à cause de lui. Il aurait été fier de moi, de tout ce que j'y ai fait. Le souvenir que j'ai de lui, maintenant ? Dix ans après, c'est comme un puzzle. Il y a ce parfum que j'ai senti en entrant dans son appartement, après l'accident, et qui imprégnait tous ses vêtements, que j'ai gardés. Il y a ces brouillons, que j'ai récupérés avant que son patron ne les mette à la poubelle. Il y a cette photo, prise un dimanche, quelques semaines avant sa mort. Il y a ce tableau noir, sur lequel il avait marqué à la craie un rendez-vous pour le lundi après-midi.

Si j'en parle, là, c'est que sa mort explique beaucoup de choses chez moi. Ma phobie du téléphone qui sonne. Ma méfiance vis-à-vis des patrons de discothèques. Ma détestation du lundi matin. Mon angoisse, quand je m'attache à quelqu'un, et quand quelqu'un s'attache à moi. Alors oui, le Monde de Katia doit un petit peu à Grégory. S'il pouvait le voir, le lire, il dirait certainement :

- Mais c'est quoi, cette couleur ? C'est du rose ?

Katia

PS : Sur Radio Katia, j'ai mis une chanson de Barbara... On va dire que ça illustre cet article !

10 Commentaires:

le 27 février, 2006 15:42, Anonymous Anonyme a dit...

Dur dur de se souvenir des gens comme ça non ?...
L'un de mes meilleurs amis est mort mercredi dernier, j'ai encore du mal à encaisser le coup. On verra ce qu'il m'aura pu me laisser.
Wiz.

 
le 27 février, 2006 16:39, Anonymous Anonyme a dit...

Quand je lis ce texte, je pourrais être tenté de remplacer "Gregory" par "Sebastien", un mec avec qui on ne forme qu'un, et lorsqu'il s'en va, que ce soit renversé par une voiture ou bien ejecté de la place passager d'un vehicule dans un champs de maïs, on a envie de s'arreter egalement.... mais je l'entend encore des fois m'engueuler, me dire de me bouger... alors je me souviens de son sourire et de ses mains, et je renais alors à ma vie... à notre vie.... Et puis un jours, on rencontre un autre garcon qui vous redonne confiance en nous et on se dit que nos cher disparu ne nous en voudrons pas de revivre.

Tatie... simplement Rose....

 
le 27 février, 2006 17:36, Anonymous Anonyme a dit...

piuouuu c'est super triste...ça me rappel également la mort d'un copain l'an dernier...c'est pas facile à traverser.

 
le 28 février, 2006 11:44, Blogger Le Monde de Katia a dit...

Je crois que ce qui m'a le plus marqué, à l'époque, c'est de voir la mort en face, et brutalement. Le rituel des obsèques ; le corps, dans un état pas montrable ; l'endroit où il est mort ; et puis savoir que l'on a perdu quelqu'un, que l'on est "en deuil". Enfin, je ne sais pas si je m'exprime correctement et clairement... mais c'est un événement qui m'a construit, plus que le décès de mes grands-parents, de ma tante, etc.

Bisous à tous !

Katia

 
le 28 février, 2006 12:57, Anonymous Anonyme a dit...

bonjour a tous!!

on se plaind qu'il n'y ai plus beaucoup d'article... n'en reste pas moins qu'ils sont toujours interressant et touchant pour la plus part...

Notre katia se devoile petit a petit... son blog devient un vrai blog, ou l'on raconte ses joies, ses delires, ses peines...

Désolé pour katia, pour son artcile, et aussi parce que je ne met plus beaucoup de commentaire... mais bon comme on dit, l'amour rend aveugle alors pour lire et ecrire au clavier c'est dur :-)


Bizz a tout le monde :-)

 
le 01 mars, 2006 00:36, Anonymous Anonyme a dit...

moi, la mere d'une amie l'a tuée, elle et son frère d'un coup de fusil de chasse par folie et désespoir... On a tous des vécus tels et les cicatrices qui en découlent. Dur dur

 
le 01 mars, 2006 16:32, Blogger Le Monde de Katia a dit...

Tyloup` > Pour tes problèmes de vision, bienvenue au club ;-) Sinon, je ne sais pas si Le Monde de Katia est en train de devenir un "vrai" blog... J'ai publié cet article un peu (trop ?) rapidement, après un coup de téléphone de ma mère qui m'a appris des choses au sujet de Grégory. Des détails qui ne sont apparus que dix ans après sa mort, et qui m'ont tellement choqué, que j'ai écrit cet article plus tôt que prévu, un peu sur un "coup de tête". Avec le recul, je me dis que je n'aurais pas du le faire comme ça, qu'il est mal écrit, etc, mais bon, maintenant il est publié, il a été lu par des dizaines de personnes. Bisous à toi !

Ex moi > Oui, on a tous vécu ce genre d'expériences, c'est pour ça que je n'ai pas envie d'apparaître comme le pleurnichard de service, celui qui se plaint parce qu'une personne qui comptait beaucoup dans sa vie est morte de façon violente. Ce que je voulais surtout mettre en avant, c'est que cet épisode m'a construit, plus que je ne le croyais. Et puis bon, je n'ai pas raconté tous les autres détails, qui expliquent beaucoup de choses...

Katia,
qui revient très bientôt avec la positive attitude !

 
le 09 mars, 2006 21:00, Anonymous Anonyme a dit...

juste une pensée
bizou loulou

 
le 21 septembre, 2006 18:56, Anonymous Anonyme a dit...

je suis desolé mais je n'ai rien n'a vous dire euh si j'ai 5 ans et je m'apelle miraillou

 
le 23 février, 2007 16:36, Anonymous Anonyme a dit...

Tu m'as beaucoup touché.... Je t'embrasse.

 

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