30 septembre 2005

Una Storia Importante

Les lecteurs fidèles et assidus auront remarqué que je parle rarement à la première personne. Aujourd'hui, je vais faire une petite exception, parce que j'en ai envie, et que cet article me concerne directement. Ce n'est peut-être pas Katia qui écrit, d'ailleurs, mais plutôt l'acteur qui, tous les jours, joue ce rôle écrit au départ pour quelqu'un d'autre.

J'adore les dates, les anniversaires, et les commémorations. Il y a, dans mon calendrier, des jours super importants, en tout cas plus importants que d'autres. Le 31 août, bien sûr, mais aussi le 8 septembre, le 13 mai, le 24 avril, le 18 mars, le 14 février, le 17 janvier... et le 5 octobre. Comme tous les vieux couples qui fêtent leur anniversaire de mariage en allant dans un restaurant espagnol manger une paella, je vais procéder ce jour-là à mon échange rituel de cartes postales. J'en enverrai une à Luciano (un joli paysage breton, forcément), et je recevrai une belle carte de Venise. Ou peut-être de Milan, s'il a déménagé.

C'était il y a sept ans maintenant, le lendemain de la rentrée universitaire, dans le petit amphi du département de sociologie. Ce n'était pas à Rennes, mais dans un gros bourg d'Europe centrale, où les églises ressemblent à des patisseries, où les étudiants roulant à vélo représentent les deux tiers de la population, et où l'on parle allemand avec un accent très spécial. Luciano arrive en retard, il s'assoit à côté de moi, et me taxe un stylo. Moi, je reste tétanisé, tellement il est beau, ce mec. Il me baragouine quelques mots sortis d'un guide de conversation, je devine qu'il est italien. Y aura du boulot : monsieur ne parle pas allemand, ni anglais, et à part l'italien, il a appris un peu de français. Suffisament pour me dire qu'il a passé les plus belles vacances de sa vie au Conquet, qu'il adore la Bretagne, et que je suis très gentil...

La suite ? On décide de sécher les cours, je lui fais découvrir la ville, je suis son interprète au bureau des étrangers de la police, on va boire un café au lait dans un salon de thé hyper bourge sur les quais. Le reste, c'est du grand classique. Enfin, pas tout à fait. Luciano était hétéro, il est devenu homo avec moi, et est redevenu hétéro après. J'étais une parenthèse de quelques mois. Dix mois pendant lesquels nous formions un vrai petit couple modèle.

C'est lui le premier mec que j'ai présenté à mes parents, rendant ma mère toute heureuse d'avoir un beau-fils italien. C'est avec lui que je me promenais main dans la main en ville et sur le campus, chose complètement inimaginable en France à la même époque. Et c'est avec lui que j'ai connu des milliers d'épisodes inoubliables.

Il me faisait à manger, et moi je lui écrivais son mémoire de psychopathologie. Je lui lavais son linge, et lui m'offrait un vélo volé, qu'il avait repeint en vert kaki dans la cave. Il se bourrrait la gueule tous les week-end, et moi je le ramenais dans son lit, tel un saint-bernard. Je lui expliquais la déclinaison allemande, et lui me lisait "Le Petit Prince", à haute voix dans la neige. Je lui payais des verres dans le bar de lesbiennes après le ciné, et lui me faisait découvrir les clubs de jazz. Il me surprenait dans la bibliothèque en arrivant par derrière et en me faisant un bisou dans le cou, et moi je lui glissais des petits mots d'amour dans les bouquins qu'il consultait. Je lui demandais pardon pour l'avoir laissé tout seul hier soir, et lui m'attendait à la sortie de l'hôtel où je travaillais à mi-temps, avec un sachet de bonbons pour me "donner des forces".

J'avais parfois l'impression d'être un boulet pour lui. J'étais fauché, il demandait à ses parents de me prêter du fric. Ou alors, comme quand j'étais malade, et que je suis tombé dans les pommes en me levant la nuit pour boire de l'eau. Il m'avait entendu, il s'était réveillé, s'était levé, et m'avait pris sans ses bras comme un prince charmant pour me recoucher.

- Ca va ?
- Non, je vais crever...
- Mais je suis là, je m'occupe de toi. Ton médicament, c'est moi !

Je n'étais pas en reste. Je subissais ses excès d'alcool et ses gueules de bois. Je passais des journées entières au commissariat de police, parce que monsieur avait perdu son portefeuille lors d'une sacrée soirée. Il me boussillait des pellicules photo, à prendre des clichés débiles "juste pour essayer". Il me traînait dans des magasins de sport pour s'acheter des gadgets hyper chers. Il m'empêchait d'aller chez ma meilleure copine, parce que le vendredi soir, il y avait toujours une soirée où il avait réussi à avoir des entrées gratuites pour nous deux. Il détestait les films de Téchiné et de Rohmer, mais il exigeait d'avoir cet album de Yann Tiersen importé de France, parce que "je t'en prie, c'est mon anniversaire dans une semaine". Je participais à des expériences du département de psycho pour qu'il ait une bonne note. Il passait des journées entières sur caramail à chatter avec une étudiante de Rennes 2, uniquement pour essayer de me rendre jaloux.

Ca a fini par se terminer, quand il a rencontré une Italienne, une fille très très conne qui le suivait comme un petit chien. Elle faisait des études de statistiques, c'est pour ça que depuis, j'ai horreur des statisticiennes ! De mon côté, j'avais rencontré Sven, puis Matthias, puis Florent. Il ne m'a pas largué, je ne l'ai pas largué non plus. C'est un jour, à la cafet', qu'on s'est dit qu'on était passé à autre chose, chacun de notre côté. Il est retourné en Italie, et moi je me suis installé à Rennes.

Depuis, je reçois toujours des petits mails, des petites cartes postales, des petits signes de vie qui prouvent que je suis encore quelqu'un pour lui. Je lui envoie aussi quelques signaux sporadiques, histoire de maintenir cette petite flamme. Sept ans après, il est resté toujours aussi beau, toujours aussi gentil, toujours aussi tendre. Et il a réalisé son grand rêve : devenir acteur de théâtre.

Et pourquoi je vous parle de lui, là ? Ce n'est pas de la nostalgie, non. C'est juste que je me suis depuis longtemps rendu compte que les mecs qui me faisaient craquer, et qui me plaisaient vraiment, sont ceux qui lui ressemblent. Physiquement, n'imaginez surtout pas l'Italien macho et poilu, avec la peau mate. Luciano, il est chatain (voire blond), les cheveux très très courts, la peau claire, les bras musclés, des petites lunettes qui lui donnent un air intello, une casquette pour la "wesh attitude", et des polos bleus turquoise ou rose pâle. Ca, c'est pour l'emballage ; et on en trouve des milliers comme lui à Rennes et ailleurs. Mais ce qui m'intéressait chez lui, c'était l'intérieur. Je fréquentais pas mal le milieu gay à l'époque, et les pétasses superficielles commençaient déjà à me gaver. Lui était différent. Sensible, mais carrément les pieds sur terre. Romantique, mais pas cul-cul, et surtout très réaliste. Et puis il était vrai, honnête, sincère ; ce qui manque à pas mal de pédérennais (et j'en fais peut-être partie, d'ailleurs !). Luciano, c'était un modèle... et presque un prototype.

C'est d'ailleurs pour ça que je ne trouverai jamais pareil que lui. A Olga (une autre connasse très katiaphile), je disais il n'y a pas longtemps que "je suis comme Muriel, je crois au prince charmant. Quitte à faire un mariage blanc avec le premier nageur venu". Ce premier nageur n'ayant pas été le bon, il reste à espérer que le second fera davantage l'affaire...

Pour une fois, l'article du jour ne répond pas au cahier des charges du Monde de Katia, à savoir : chroniques mondaines, critiques musicales et vestimentaires, et autres connasseries. C'est aussi fait pour ça, un blog : parler de soi.

Katia

24 septembre 2005

Les homos, ça pionce

Ceci est une page du publicitéAvec la rentrée et le superbe article que JE nous a consacré, Le Monde de Katia s'apprête à recevoir de nombreux visiteurs supplémentaires. Des p'tits nouveaux qu'il faut bien accueillir comme il se doit, avec champagne et petits fours...

Le champagne, c'est Radio Katia, qui s'habille pour l'automne d'une nouvelle sélection. Vous avez subi Pink Martini et Calexico pendant tout l'été ? Et bien pour la rentrée, vous allez vous déchirer les oreilles avec de la grande musique allemande. Vous avez toujours cru qu'en Allemagne, on n'écoute que Britney Spears et Mireille Matthieu ? En fait, non. Là, vous allez découvrir quelque chose qu'on est pas prêt d'entendre au Batchi : DJ Tomcraft, avec Schwabing Siebte Phase, extrait de son album MUC (DJ Tomcraft - comme l'Inspecteur Derrick - est de Munich, et Schwabing est LE quartier branché de la ville). Un peu plus soft, et avec des paroles cette fois : 2raumwohnung (en français : "logement deux-pièces"), qui représente ce que des critiques et des experts appellent la "nouvelle scène allemande". C'est frais, c'est très frais, et ça s'écoute sans frais : Wir Sind Die Anderen (Frühling 2007).

Ce n'est pas de l'allemand, mais du yiddish, et ce n'est pas pas du folklore, mais du klemzer : Chava Alberstein & The Klezmatics nous servent Di Goldene Pave. Une (belle) musique originale sur un poème yiddish mignon comme tout. Les connasses cultivées qui auront regardé Monsieur Zucker joue son va-tout sur ARTE hier soir reconnaîtront la musique du générique de fin.

On rentre en France, avec Wax Tailor (il sera présent aux Transmusicales pour un concert gratuit) qui a composé, spécialement pour Radio Katia (euh... là, je suis plus vraiment sûr, du coup) Our Dance. Après, c'est un peu une salade de fruits : Lemon Jelly (His Majesty King Raam), Gotan Project (El Capitalismo Foraneo) et ENV (Down The Rhodes Again). Et pour finir, deux petites dédicaces : I Wanna Be Your Dog (de Emilie Simon), pour un lecteur fidèle qui se reconnaîtra et que d'autres reconnaîtront ; et Bang Bang (de Black Attack), pour Galou (à qui j'avais dit un jour que j'écoutais ce genre de musique, la nuit, en travaillant).

Après les trois paragraphes de champagne, voici maintenant les petits fours : Le Monde de Katia vous invite à régler vos transistors sur 88.4, c'est-à-dire sur Radio Campus Rennes. A partir du mois d'octobre (probablement le 9), et un dimanche sur deux (probablement entre 18h30 et 20h), vous pourrez écouter Homo et Rictus, l'émission gay et lesbienne qui va très vite devenir culte. Sans vouloir faire tomber le suspense comme la bite d'un acteur porno qui se ramollirait, nous pouvons dire dès à présent que les connasses sont de la partie. Sous une forme ou sous une autre... Alors, comme dirait Danièle Billard, d'Auxerre (une autre connasse qu'on respecte) : "ça promet !".

Voilà de quoi vous exciter pour ce week-end. Grâce à Radio Katia et à Homo et Rictus ("sur Radio Campus Rennes, 88.4"), soyez connasse chez vous !

Katia,
visiteuse médicale de choc

PS : Pour les débutants, nous avons prévu une Foire Aux Questions. Questions à 1000 francs, et réponses à 2 balles : tous les élements pour débuter dans Le Monde de Katia, comprendre les articles, savoir qui fait quoi, écrire des commentaires intéressants, etc. Ce sera en ligne dans quelques jours.

03 septembre 2005

A cause d'un garçon

Semaine du coming-outC'est bientôt la rentrée universitaire, des néo-pédérennais vont investir les rues Saint-Malo et Vasselot, et augmenter l'offre et la demande de plans cul et de princes charmants en tous genres. Les célibataires de la saison 2004-2005 trouveront peut-être quelqu'un à présenter à leur maman. Sauf si la sortie du placard n'a pas été faite, ou s'est mal passée. Le Monde de Katia, toujours plus proche de ses lecteurs, célèbre ainsi la Semaine du Coming-Out, à travers une série de petits articles mal écrits...

Pour commencer, Katia a bien envie de vous parler de son propre coming-out. Ca remonte à tellement longtemps, et elle était tellement jeune - 13 ans - qu'elle ne s'en souvient presque plus. C'était dans une petite ville très calme, qui n'a fait la une de la presse qu'à une seule reprise : quand un mec est resté une nuit entière le doigt coincé dans le distributeur de capotes sur le parking du supermarché ; c'était même passé au journal télé ! Dans cette ville, la mentalité était plutôt tendance gros ploucs pleins de fric mais sans culture, et tout ce qui était un peu original était pointé du doigt.

Très tôt, Katia a cherché à se singulariser. Plutôt que de jouer au foot avec les autres garçons, elle préférait jouer à l'élastique, ou à la corde à sauter. En sixième, elle a bien entendu cherché à se faire dispenser de sport pendant les deux premiers trimestres. Déjà, à 12 ans, elle avait une sacrée réputation. Les choses se sont accentuées en cinquième. A cause de sa prof de maths (qui s'appelait Régine Cochon, ça ne s'invente pas !), une grosse truie qui la prenait pour une p'tite merde, elle a été collée plusieurs fois, uniquement parce qu'elle lui répondait, à cette conne. Y avait de quoi : cette pouffiasse était raciste, elle se foutait de la gueule des Turcs qui étaient dans la classe. Mais l'insolence, c'était pas bien vu, et les autres élèves trouvaient toujours de quoi faire de Katia leur souffre-douleur. Voilà le tableau.

Quelques jours après la rentrée, elle a fait la connaissance de Franz, un petit nouveau. Il était beau, super gentil, très intelligent, blond, les yeux bleus, alors forcément, elle est tombée amoureuse très vite. Et comme Katia ne fait pas les choses à moitié, elle lui a envoyé une lettre d'amour. Le seul problème, c'est que Franz ne savait pas qu'un garçon pouvait tomber amoureux d'un autre garçon, donc il a cru à une blague, et a montré la lettre à tout le collège. Là, Katia s'est payé la méga tehon de sa vie, et tous les élèves étaient surexcités : c'était une grosse pédale, une tarlouze, tout le monde devait le savoir, tout le monde devait se foutre de sa gueule, tout le monde avait le droit de lui sortir les pires insultes, et de lui faire subir les pires humiliations. C'est à partir de ce jour que Katia a appris à manger toute seule au self, à se changer dans un vestiaire à part, à répondre à tous ceux qui lui font une remarque blessante, à se retrouver toute seule dans la cour pendant la récréation, et à ne pas compter sur le sens de la solidarité des autres personnes de son âge... et des adultes. Parce que les profs (excepté Mademoiselle Marie-Louise J, professeuse d'anglais), les surveillants, l'administration du collège, tout le monde trouvait ça marrant : on rigolait aux blagues homophobes, on disait à Katia que c'était de sa faute, qu'elle n'avait pas qu'à être amoureuse d'un garçon, et que c'était débile d'envoyer une lettre d'amour, et qu'elle faisait son intéressante, comme d'habitude.

Heureusement, Katia a une maman encore plus grande gueule qu'elle, et un papa compréhensif et relativement protecteur. Elle a tout raconté à ses parents, qui sont allés faire un scandale dans le bureau du principal. "Notre fils est pédé, et alors ? Votre rôle, c'est d'apprendre la tolérance aux gamins, pas d'être complices du lynchage d'un de vos élèves. Respectez-le, sinon on appelle le Canard Enchaîné, et on balance vos profs racistes".

Voilà, grâce à Franz, Katia a eu un coming-out mouvementé. Il n'a pas eu lieu dans le living-room familial pendant le journal télé de P-pédé-A, mais presque devant une ville entière. La suite est beaucoup moins drôle. Etre pédé dans une petite ville de cons, au début des années quatre-vingt dix, ça signifie être placé aux marges de la société, avec les immigrés et les handicapés. Ca veut dire entendre les messes basses des rombières chez le marchand de journaux quand on va s'acheter Libé, et subir des insultes en traversant la place de l'Hôtel de Ville. A côté de ça, à la maison, il était tout à fait normal de se lever en pleine nuit pour changer de cassette dans le magnétoscope parce que Canal + diffusait la Nuit Gay, d'inviter la "copine" de Tata Dany pour les vacances, ou d'aller voir "Priscilla, folle du désert" en famille au cinéma. Et qu'est devenu Franz ? Un lycéen modèle, qui commençait à se poser des questions à la veille de ses 18 ans. Un soir, pendant une party, il a dit à Katia qu'il aimerait essayer, pour voir. C'est donc devant le parking à vélos du lycée qu'elle lui a roulé la pelle du siècle, tandis qu'il demandait pardon pour tous les tourments que son comportement avait provoqués.

Katia a bien de la chance d'avoir une famille comme ça. Un jour, en discutant avec Yvette, elle a remarqué que les mecs qui sont sortis du placard très tôt, et qui sont soutenus par leur famille, avaient moins tendance que les autres à se tapper des plans cul sans blabla. Au contraire, les planculteurs les plus cyniques sont parfois ceux qui, à 29 ans, n'ont toujours pas dit à leurs amis les plus proches, ou à leur famille, qu'ils préféraient les garçons...

Prochain épisode : Tatie Rose écrit une lettre ouverte à son papa.

Katia,
apprentie-coiffeuse en échec scolaire